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Les Classes Sociales!

Je suis née dans un milieu ouvrier mais avec des parents qui voulaient qu’on se dépasse, qu’on s’instruise et qu’on fasse notre chemin dans la vie.

On fut tout de même entourée de remarques à la « on est né pour un p’tit pain », c’était courant dans le milieu dans lequel je vivais.

L’apprentissage de la lecture, que ma mère m’a offert avant même que je fréquente l’école, m’a beaucoup aidé à voir plus loin. Ma mère qui avait souffert (et souffre toujours) que son père l’ait empêché d’aller plus loin dans ses études puisque, lui disait-il, il ne servait à rien « d’instruire une fille qui se marierait et laverait des couches ».

En rencontrant mon père, c’est un sujet qui les avait uni, fille ou garçon, ils les encourageraient à poursuivre leurs études.

Ce goût de la lecture très tôt implanté dans ma vie, m’a amené à me dissocier de certains jeux d’enfants. J’eus le nez dans mes livres dès mon plus jeune âge. Je n’étais pas une sportive, mais je considère que je fus toujours active. Mes lectures me poussaient à voir. Elles m’apportaient du rêve et une certaine vision en-dehors de mon univers.

J’ai aussi développé un vocabulaire, souvent emprunté à mes lectures, qui faisaient sourcilier mes proches. Pour qui se prenait-elle, semblaient-ils se dire. Même ma mère m’en fit un jour le reproche, alors qu’en visite chez de la parenté, j’avais énoncé le mot « claustrophobe » dans une conversation, évoquant ma peur des endroits fermés (que je vis toujours d’ailleurs).

Au niveau de la classe sociale, je n’ai pas toujours trouvé ma place à cause de cette dichotomie entre ces univers.

Ma mère a toujours été peiné de sentir les différences entre elle et sa famille ou ses ami(e)s. Elle savait s’adapter quand il était question d’un milieu dit plus populaire certes, mais pas quand elle se retrouvait devant des gens plus fortunés ou instruits. Elle les enviait, jusqu’à un certain point probablement, elle avait reçu une éducation qui l’aurait pourtant préparé à un tel milieu. Mais elle était mal à l’aise devant ces gens et se rabaissait, jusqu’à s’effacer.

Récemment, elle a emménagé dans une résidence pour personnes âgés (RPA) et elle trouve difficile de s’y faire des ami(e)s. Pourtant, elle est d’un naturel avenant, elle parle facilement aux gens qui l’entourent. Je m’attendais à la voir côtoyer ces gens et être très occupée. Elle me parle de personnes qui ne sont pas de la même classe qu’elle.  

J’ai rencontré quelques-unes de ces personnes, très gentilles, très ouvertes, prêtes à l’aider. Elles ont vécu une vie différente d’elle, c’est vrai.  

Tout cela m’a fait réfléchir sur les classes sociales. Pour ma mère, son manque d’instructions lui apparaît comme un handicap dans ses relations avec les gens. Pour ma part, le vécu des gens quel qu’il soit, m’apparait au contraire comme la chance de faire des découvertes, d’en apprendre plus. Et maman a tout un vécu qui vaut bien des formations.

Il n’y a pas si longtemps toutefois, moi-aussi, je craignais de fréquenter des gens plus à l’aise financièrement et/ou ayant vécu une vie plus aventureuse que la mienne. Les récits de voyage ou d’une carrière enrichissante remettant en cause ma confiance en moi.

Ma carrière dans les services financiers m’a permis de côtoyer des gens (des collègues de travail mais aussi des clients) qui ont nourri mon quotidien et m’ont apporté une mine de renseignements et d’histoires de vie qui m’ont enrichi. Mon expertise dans le domaine où je les aidais, m’enlevait ce manque de confiance qui fait qu’on se sent inférieur. Je leur apportais quelque chose, et la confidentialité de mon service pour eux, leur permettait de me raconter leur vie personnelle.

Tout au long de ma vie, j’ai combattu ce sentiment d’infériorité, venant indéniablement d’une éducation où il fallait être humble et ne pas se vanter (c’était péché). Mais ayant poursuivi mes études, jusqu’à une maîtrise en administration, j’ai pris de l’assurance.

En affaire, j’ai toujours dit que j’étais une excellente deuxième, en grande partie parce qu’en premier, j’aurais de la difficulté à prendre ma place, à m’affirmer. Ce n’est pas inné chez-moi, il m’a fallu combattre ma timidité tout au long de ma vie. Ma curiosité a gagné le combat assez souvent heureusement.

Quelques voyages locaux et internationaux m’auront aussi apporté du vécu, me rendant plus forte. C’est la rançon du vieillissement.

Chez-nous, on avait tendance à classer la famille de mon père et la famille de ma mère en deux classes différentes, riches et ouvrières. Pourtant, quand je les regarde maintenant, il n’y avait pas tant de différences que ça entre les deux. Des deux côtés, j’ai toujours ressenti une certaine familiarité et surtout de la bienveillance et de l’affection.

La question que je me pose est : qu’est-ce qui fait la différence de classe sociale? Être parvenu à une certaine aisance financière, semble être le point d’ancrage de cette philosophie pour ma mère. Pourtant, bien des riches n’ont pas tant de classe. Mais il est vrai qu’on peut grimper plus facilement des échelons, dans l’esprit populaire, quand on a réussi à tracer son chemin dans la vie, surtout avec des revenus au-dessus de la moyenne.

Il y a aussi l’origine de nos familles qui peut le déterminer semble-t-il. Un peu comme dans les castes indiennes[1]. Qu’arrive-t-il quand les familles viennent de deux origines? Leurs enfants seront dans quelles classes sociales? Impensable dans certaines cultures bien sûr. Par exemple, une personne d’origine haïtienne, mariée avec une personne d’origine autochtone. Une personne d’origine hongroise à une personne d’origine cubaine. Et ainsi de suite. C’est possible chez-nous, grâce au multiculturalisme. À quelle culture les enfants se sentiront-ils attachées? Y aura-t-il une différence de classes sociales suite à ces unions?

Il y aussi eu la question de la langue. Autrefois, c’étaient les anglophones, plus aisés car plus près des emplois dits de haut niveau, qui nous étaient supérieurs et contre qui, on se battait.  Il est vrai qu’on dit que l’accessibilité aux études supérieures nous étaient plus difficiles (mais pas impossible), à nous les francophones. Et soyons honnête, je sais qu’il y a des gens qui ont fait leur place malgré tout ça. Comme Sir Rodolphe Forget[2], un homme d’affaires important au Québec.

Aujourd’hui où l’accessibilité est beaucoup plus facile, où sommes-nous donc les francophones? J’ai assisté à la graduation de baccalauréat (administration) de l’Université Concordia de mon fils, il y a quelques années. J’ai vu des familles sur les balcons faire beaucoup de bruits pour féliciter leurs proches qui graduaient. La plupart était des immigrés ou des familles d’immigrés qui valorisent l’instruction, à juste titre.

Pour sa part, mon fils a épousé une anglophone et leur couple se porte bien, j’en suis très heureuse. Je ne vois pas de différences de classe sociale entre les deux et j’apprécie beaucoup ma belle-fille, sans me sentir inférieur.

Mon gendre vient de graduer lui aussi de la Polytechnique de Montréal (maîtrise en génie industriel) et à ce qu’on m’a raconté, encore une fois la majorité des finissants étaient des immigrés, ou enfants d’immigrés.

Je ne suis pas contre, bien au contraire, je suis même ravie de voir cet état de fait. Mais est-ce que ça donnera encore l’occasion aux gens de se plaindre de leur condition de vie sociale? C’est un choix que l’on fait, il me semble.

J’ai encouragé mes enfants à poursuivre leurs études le plus possible, évidemment dans la mesure où ils puissent faire ce qu’ils aiment. En étant bien consciente que des études avancées leur ouvrent plus de portes dans leur cheminement professionnel. Mes encouragements semblent avoir porté fruits, puisqu’ils ont tous les deux faits des études universitaires supérieures et continuent même encore à étudier pour se perfectionner, tout en faisant une carrière dans les domaines qu’ils aiment.

Moi-même, étant retourné sur les bancs d’école sur le tard et ayant obtenu un MBA spécialisé en services financiers. Je pense leur avoir donné un certain exemple. Car, pour la femme que j’étais d’une autre époque, il m’a fallu me battre pour monter les échelons dans mon domaine. Les études m’y auront grandement aidé.

Est-ce que ça a changé ma classe sociale, je ne le ressens pas. Je ne me sens pas différente de ma famille, de mes ami(e)s. On a chacun notre vécu et chacun a un apport important dans la société. Il se peut, toutefois, que certains ressentent un changement de classe ou comme maman le dit, qu’on semble hautain (elle ne dit pas ça de moi toutefois, même si je le ressens un peu parfois).

Enfin bref, je suis triste de voir que la définition de classe sociale soit si mal comprise et surtout mal interprétée, encore de nos jours. Et j’espère sincèrement qu’on pourra associer les différentes classes sociales à la diversité qui forme une société épanouie.


  • [1] Les castes sont des divisions des sociétés du sous-continent indien en groupes héréditaires, endogames et hiérarchisés. Le terme d’origine occidentale « caste », du portugais « casta » (pur, non mélangé). 
  • l’endogamie : les personnes d’une caste se marient avec des personnes de cette même caste. Cette règle est majoritairement respectée dans l’Inde moderne et les mariages inter-castes restent rares. Les enfants issus d’un mariage au sein d’une caste appartiennent également à cette caste et le restent toute leur vie : une caste est donc un « groupe fermé ». Au-delà de l’endogamie, les castes tentent également de maintenir une distance sociale vis-à-vis des autres castes (refus des repas en commun notamment) ;
  • la hiérarchie : les différentes castes forment des groupes dépendants les uns des autres et hiérarchisés entre eux. Les êtres humains sont fondamentalement inégaux et chacun doit accomplir au sein de la société la tâche qui convient à son rang. Cette hiérarchie s’exprime par un certain niveau relatif de pureté de la caste : les hindous sont sensibles à l’impureté de certains évènements (décès, naissance, etc.) ou activités (le travail de la peau par exemple). Le degré d’impureté d’une occupation professionnelle se reflète sur la pureté relative de la caste qui la pratique. Ainsi, par exemple, la caste chargée d’évacuer et d’équarrir les bêtes mortes est considérée comme très impure, à tel point qu’un hindou d’une caste supérieure ne pourrait toucher ou boire la même eau qu’un de ses membres : c’est l’origine de l’intouchabilité ;
  • l’exhaustivité : en principe, tout hindou appartient à une caste. Source Wikipedia

[2] Rodolphe Forget, né le 10 décembre 1861 à Terrebonne et décédé le 19 février 1919 à Montréal, est un homme d’affaires et homme politique canadien. Il fut un des rares Canadiens-français à connaître un grand succès d’affaires au xixe siècle et au début du xxe siècle. Source : Wikipedia

7 commentaires

  1. Nadia Coutlée

    Sir Forget est de notre famille. Mon grand-père Louis Forget et lui était parent. Très bon exposé Liette.

    • Liette Picotin

      Merci Nadia, je me doutais bien qu’il devait y avoir un lien de parenté. J’ai vu qu’il était né dans la même région effectivement. Mais malgré mes recherches sur Ancestry, je n’ai pas réussi à trouver le lien.

      • Nadia Coutlée

        Je vais demander à Patrick il a fait le travail et je te reviens sur Messenger.

  2. charlotte pilote

    bravo pour ce texte ..j’ai pensé à ma mère qui nous as toujours encouragé à étudier,
    et aussi comment elle ne se sentait pas bien avec la famille de mon père elle disait:
    il sont «  snobs, »..

    • Liette Picotin

      Merci du partage!

  3. Madeleine Dore

    Je pense que tu as soulevé un point important: ce sentiment d’infériorité qui nous empêche d’aller de l’avant. La confiance en soi, voilà ce qui est important de développer chez l’enfant. Mais un parent, qui manque lui-même de confiance en lui, a de la difficulté à aider son jeune à s’estimer, s’accepter avec ses forces et ses faiblesses. C’est bien trop tard dans ma vie que j’ai compris comment il est important d’encourager son jeune. J’étais trop exigeante. J’essaie de me corriger de ce défaut que j’avais . J’en ai fait des erreurs et je badine en disant: une personne expérimentée a appris beaucoup de ses erreurs. Tous les humains sont égaux en dignité. L’intelligence on l’a reçu en cadeau mais l’amour, le respect des autres et la compassion cela se cultive dans notre jardin intérieur. Et le jardin intérieur de ta mère il est rempli de belles couleurs

    • Liette Picotin

      Tu as tellement raison! Merci pour ta belle réflexion.

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