
C’est le mois de la santé mentale ai-je lu! Mais en fait, parler de santé mentale est très d’actualité en tout temps.
Dernièrement, lors d’une conversation amicale, où on se racontait les problèmes d’anxiété que vivent nos petits-enfants, une amie me disait « toi, tu n’as jamais souffert de ça! ».
Je fus assez surprise de cette affirmation. Je lui fis remarquer que j’en souffrais continuellement et que j’avais même dû prendre un arrêt de travail en 1998 pour des crises d’anxiété.
C’est bien cela la grande différence entre notre génération et nos enfants, qui plus est nos petits-enfants. Nous avons grandi en apprenant à nous effacer et à minimiser nos problèmes. Car se plaindre était un défaut en notre temps.
Et puis, on a mis des mots sur des symptômes qu’on croyait normaux dans le temps.
Pour ma part, étant l’aînée d’une famille de quatre enfants, je me suis retrouvée souvent à être l’enfant « responsable ». Je n’ai pas de reproches à faire à mes parents, ils m’ont aussi grandement valorisé en me confiant des tâches de « grande fille ». Et la pression, je me la suis mise moi-même probablement. Je voulais bien réussir… tout en développant ma personnalité propre.
Je fus, ce qu’on appelait dans le temps, une « première de classe ». À l’école primaire, je me souviens même d’avoir rivalisé avec une autre élève (qui était mon amie, soit dit en passant) pour ce titre. Un mois, elle accédait au rôle de première de classe et là, j’obtenais la 2e place, le mois suivant, c’était à mon tour d’être la première de classe. On en rigolait toutes le deux, car c’était une rivalité bien amicale à mon souvenir. Mais la plupart de mes années scolaires primaires m’ont donné le rôle de la « bollée »[1]
Un seul bémol, ma 6e année où je fis parti d’un groupe un peu plus indiscipliné. L’une des élèves, une leader née, mais dans le mauvais sens, était ma compagne de droite lorsque nous étions en rang à l’entrée et la sortie de notre local de classe. Un jour, la sœur directrice vint sermonner le groupe turbulent. Ma compagne faisait des simagrées à mes côtés, ce qui me fit rire (je suis une ricaneuse de nature). Mal m’en pris car je reçu une claque au visage pour ne pas avoir gardé le silence durant le sermon en question. Ce qui me fit changer d’émotion bien rapidement. Moi, la petite parfaite venait de se faire réprimander avec brutalité. Les larmes se mirent à couler rapidement et la religieuse m’envoya à la salle de bain pour en effacer les traces.
Donc, sans cette année de misère que fut ma 6e année, toute ma scolarité de l’école primaire fut douce et sans heurts.
Mon entrée à l’école secondaire fut tout autre. Je fus introduite dans un nouveau système, qu’on appelait une « polyvalente » en ce temps-là. Je côtoyais plus de 3000 élèves, c’était un vrai carnage pour l’estime de soi. Mes notes supérieures de l’école primaire avaient permis que je sois classée dans les groupes les plus avancés. Si bien que je n’étais plus la meilleure, mais l’une d’elles tout simplement, donc égales à tout le monde. Vous me direz, c’est plus réaliste, c’est vrai. Pourtant, ce fut la dégringolade pour moi.
Si mes années d’école primaire m’avaient obligé à me surpasser, là c’était l’impossible réalité. Pour l’anxiété, c’était un terrain très fertile.
En ce temps-là, je ne me souviens pas que les élèves en difficulté recevaient une quelconque aide. Si on ne suivait pas le groupe, on sévissait tout simplement. Mon secondaire 1, a donc abouti à une suspension de 3 jours, dans un contexte où je cherchais désespérément à me démarquer, je suis allée trop loin à un moment donné. Mais le pire fut de constater la honte que mes parents ont dû vivre à cause de moi.
L’aide est venu en secondaire 2 où un membre de la pastorale, m’a offert un poste d’organisatrice pour un camp de fin de semaine avec d’autres élèves. J’y ai trouvé ma voie dans les années qui ont suivi, ce qui a adouci le reste de ma scolarité au secondaire. Rien ne fut parfait, je me cherchais toujours autant, mais je me suis un peu rangée grâce à ça.
Le reste de ma vie est ponctuée de ce genre de situation, que ce soit au travail où l’on commence au bas de l’échelle et doit faire nos preuves pour accéder à des postes stratégiques. Que ce soit au sein de ma famille où on m’a vite considérée comme une « Germaine », ne supportant pas bien l’inaction des autres, je prenais souvent les devants. Que ce soit aussi en amour où j’ai rencontré le fameux dilemme de la femme soumise versus l’homme fort et responsable. Toutes des situations où je me suis mis beaucoup de pression.
Puis, je me suis retrouvée dans le rôle de mère monoparentale, ce qui m’aura encore propulsée vers des responsabilités où mon sens de l’organisation et du devoir m’auront grandement aidé, tout en conservant bien intact mes problèmes d’anxiété.
Et au fond de moi, je suis toujours demeurée une petite fille anxieuse, celle qui cherchait à se faire valoir, dont l’estime de soi a toujours été déficiente. Mon éducation religieuse, m’a aussi apporté une foi importante pour le respect de l’autre. Être là pour l’autre, étant une base absolue en ce sens. J’ai toujours fait de mon mieux pour y parvenir. J’ai parfois failli car il faut bien l’avouer, on rage parfois de ne pouvoir être soi, en s’oubliant pour les autres.
L’anxiété dont on parle de nos jours… ben, ça a toujours existé. C’était plus caché que maintenant certes et moins ciblé surtout, mais c’était là. Il n’y a rien de nouveau de ce côté.
L’anxiété, je l’ai perçu chez mes parents, je l’ai perçu chez mon conjoint, je l’ai perçu chez mes enfants, en plus de la vivre moi-même.
Tant mieux, si aujourd’hui on la décrit de façon plus ouverte. On cherche des solutions pour ne pas trop en subir les conséquences négatives. J’approuve avec joie ce développement dans notre société.
Mais cessons de croire que les techniques de notre époque n’étaient pas correctes. Je suis passée au travers sans trop de heurts. Certes, les crises d’anxiété sont encore là, mais j’arrive mieux à les contrôler maintenant grâce à une technique respiratoire qui me calme quand ça m’arrive. Je sais aussi un peu mieux prendre soin de moi dans ma vie quotidienne.
Mais les responsabilités ne sont pas moindres en vieillissant, elles sont différentes, bien présentes. Alors c’est le combat d’une vie!
Lorsque j’ai pris ma retraite en 2012, je croyais avoir trouvé la liberté, la liberté de faire ce que l’on veut, quand on le veut, plus aucun problème d’anxiété dans ce contexte. Je suis bien obligée d’avouer qu’on ne l’atteint jamais cette liberté rêvée. À chaque époque de notre vie, des devoirs viennent s’ajouter et amènent leurs lots d’anxiété.
Et vous, vivez-vous de l’anxiété? Comment apprenez-vous à vivre avec?
Car apprendre à vivre avec est un défi certes, mais c’est possible. Je travaille là-dessus chaque jour. Je vous en souhaite tout autant, peu importe votre âge.
[1] Intelligent, brillant; qui excelle à l’école ou dans un domaine intellectuel précis.
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