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LA SOLITUDE

Je lisais ces jours-ci un article sur les bienfaits de la solitude. Je suppose que lorsque la solitude est un choix, on peut y trouver son bien-être.

Mais il n’en est pas ainsi pour nombre de personnes vieillissantes.

Il y a la personne qui se retrouve seule, par suite du départ de son conjoint. Après avoir bâti une vie auprès de lui (ou elle), après avoir traversé les hauts et les bas de la vie au quotidien, après avoir combattu la nécessité de survivre, cette fin abrupte est un réel désespoir.

Les « pourquoi » abondent dans cette nouvelle vie, non approuvée, non assumée. Le quotidien devient un combat devant l’immensité des nouvelles tâches. Il faut réapprendre à vivre sans l’autre, récupérer ses tâches souvent mal connues.

On ressent une colère interne, que l’on ne peut assouvir par respect pour le défunt.

Peu à peu, on reprend possession de notre vie et on retrouve nos repères, non sans heurts et blessures bien entendu.

Parfois, la peur de la solitude est si grande qu’on recherche la présence d’une autre âme qui saura partager notre vie.

Ou alors, on se rapproche de nos enfants, leur imposant presque notre présence, parfois c’est heureux, parfois ça l’est moins.

On peut aussi accepter cette solitude et apprendre à l’aimer. Car, dans la solitude, il y a l’essence de se retrouver soi, de faire exactement ce que l’on aime sans avoir à négocier avec l’autre. On ne le dira pas trop fort, ça risquerait d’être mal vu, mais on le vivra doucement.

Il y a aussi la solitude à deux… au fil du temps, la santé vacillante de l’autre devient plus un fardeau qu’un bienfait. La joie de vivre nos vieux-jours ensemble s’estompe et on se retrouve seul, même si on est deux. À ces moments de solitude s’ajoutent toutefois le poids des suivis médicaux, des tâches à se réapproprier, sans compter les soins à donner. Cette solitude est vécue parfois comme une suite normale à cette vie de couple, ou une tâche ingrate du vieillissement, c’est parfois l’un, c’est parfois les deux.

Tant qu’à parler de solitude, parlons aussi d’isolement.

Des gens bien intentionnés, font campagne pour encourager le maintien à domicile des personnes âgées.

L’intention est louable certes, mais tellement irréaliste. En ces temps où le personnel soignant est si peu disponible, comment pourrions-nous trouver des gens en capacité de se déplacer d’une maison ou d’un logement à l’autres, en quantité suffisante pour suffire à la tâche.

Vivant quelques problèmes de santé chez-moi, je suis à même d’en juger. Une demande auprès d’un organisme local, subventionné par le gouvernement, a pris quatre mois pour donner suite (je n’ai qu’une réduction car je dois payer ce service quand-même). Et encore, la jeune fille qu’on nous avait envoyé nous avait dit naïvement que c’était un travail d’été pour elle, puisqu’elle retournait aux études à la fin de l’été. Ce qui est fait et on se retrouve encore sur une liste d’attente.

Ce même organisme est là pour de l’aide à domicile, non seulement pour le ménage mais pour plusieurs autres besoins de la personne aînée… Disons qu’avec les listes d’attente, les besoins sont loin d’être comblés et les risques inhérents bien réels. Qu’arrivera-t-il à tous ces gens en attente… un jour, des histoires d’horreur en sortiront c’est certain.

J’ai connu des gens qui avait besoin d’aide (la conjointe était atteinte de Parkinson) et qui me racontaient qu’ils avaient la visite d’une personne par semaine pour donner un peu de répit. Ce n’était que quelques heures seulement. 

Même dans un état de santé stable, une personne âgée qui vit seule, est isolée. Les déplacements ne sont pas faciles, sa vie sociale est pratiquement nulle. Quelques visites de ses enfants, petits-enfants (parfois), de sa famille et des amis qui, eux-aussi sont souvent en perte d’autonomie peuvent agrémenter ses journées. Mais ces visites se font rares et souvent très rapides, car tout le monde est bien occupé.

La solitude dans cet isolement, n’en est que plus grande encore.

C’est pourquoi je crois à un rassemblement dans un endroit où les gens pourront se côtoyer et continuer à vaquer à des occupations qui leur sont propres et qu’ils aiment. Souvent, les gens vieillissants sont encore autonomes, même s’ils ont besoin d’aide. C’est en les rassemblant dans un même lieu qu’on peut arriver à leur donner les services dont ils ont besoin, soyons réalistes. Et de ce fait, respecter leur besoin d’indépendance. Et la génération des « baby-boomers » qui s’en vient (dont je suis) recherchera cela encore plus que celle qui précède, habituée aux sacrifices plus que nous.

Le « hic » toutefois, ce sont les coûts inhérents. Les résidences privées, qui sont en grand nombre, accueillent avec beaucoup de frais et peu de services, nos aînés. La plupart des services qui peuvent y être donnés sont à la carte, en surplus des frais de base, pourtant déjà bien élevés. Beaucoup n’ont pas les moyens financiers pour en profiter pleinement.

Malgré tout, je vois l’aménagement d’un ainé dans une résidence comme une étape nouvelle de la vie, tout comme le jeune enfant qui prend son envol lorsqu’il part de chez ses parents. Certains trouveront cela plus difficile que d’autres, j’en conviens. C’est là que la famille (principalement les enfants selon moi) doit intervenir pour les aider à s’adapter.

Bien sûr, il y a toujours la possibilité que l’aîné aille vivre avec l’un de ses enfants. Mais là-aussi, le bât blesse… la vie trépidante et mouvementée de son enfant n’est pas toujours en accord avec le ralentissement que vit l’aîné.

Il faut être lucide aussi et comprendre que nos enfants ont fait leur vie et pris des chemins qui sont souvent différents des nôtres. Sans les blâmer, on accepte cet état, mais de là à vivre dans ce même chemin, ce serait utopique de croire que l’aîné y trouve son compte et peut en être heureux, ce serait un chemin cahoteux. Pour certains, ça peut fonctionner mais je doute que ce soit la majorité.

Avec la meilleure volonté certains l’envisageront. Ils le feront souvent au détriment de leur propre santé malheureusement.

Pour appuyer cette idée, on donne souvent comme exemple que c’était comme ça autrefois, et même dans plusieurs cultures, ça l’est encore. Mais rien ne nous prouve que les aînés soient heureux dans ces environnements familiaux, on ne leur donne pas voix là-dessus. Ma mère m’a confirmé que, bien des vieux d’autrefois, étaient malheureux en vivant avec leurs enfants.

Comme je le décrivais plus haut, on peut être seul, même accompagné. Et c’est encore le cas ici.

La solitude vient irrémédiablement avec le vieillissement, c’est triste mais c’est le courant de la vie, il faut juste essayer d’adapter notre vie pour y trouver son compte. Car, je continue à croire qu’il y a du bon dans la solitude (sauf si elle se prolonge trop), c’est une forme de ressourcement, de lâcher-prise que j’aime particulièrement.

Et puis, je ne suis jamais seule car, au bout de mes doigts, il y a mon clavier pour écrire…

14 commentaires

  1. Anonyme

    J espère ne pas être toute seule lorsque je serai vieille.

    • Liette Picotin

      Je vous le souhaite, malheureusement je pense que c’est inévitable pour qui que ce soit.

  2. Jocelyne St-Amour

    Wow! Quel beau texte! Félicitations Liette, tu écris à merveille. Tu nous fais réfléchir et en même temps, je constate à quel point ton propos est juste et censé. Continue d’écrire c’est vraiment intéressant et touchant.

    • Liette Picotin

      Merci… je me dis qu’il manque de voix pour les aînés que nous sommes.

  3. Elesig

    Très d’actualité, la vieillesse se tisse peu à peu c’est inévitable il faut l’apprivoiser comme une nouvelle amie avec une bonne dose d’une résilience. Et surtout , tout faire pour faire grandir les beaux souvenirs heureux de cette vie . Ceux-ci adouciront ce temps fragilisé.

    Bravo ma chère Liette , la profondeur de tes écrits nous submergent d’une réalité saisissante.

    • Liette Picotin

      Merci… au plaisir de lire ton expérience sur le vieillissement!

  4. Françoise

    Tu as une très belle plume effectivement!

  5. Manon Côté

    Tu dis tout à fait vrai sur toute la ligne Liette. Le manque criant de ressources est alarmant, les délais sans fin. Je m’inquiète pour nous les près de 70 ans. Que restera-t-il dans 10 ans quand ça sera notre tour d’avoir besoin d’aide. Je ne suis pas optimiste pour notre proche futur à moins de garder la santé mais ça c’est aussi un coup de chance. Ma mère dit la même chose que la tienne au sujet des parents âgés qui demeuraient avec leurs enfants…ils n’étaient pas toujours bien traités. La solitude fait peur également et je ne voudrais pas me retrouver seule dans mon logement à mes vieux jours. J’ai l’intention d’aller dans un RPA lorsque je commencerai à avoir peur de sortir. L’expérience de mes parents dans un et dans le cas de maman trois RPA me rassure car tu n’es plus vraiment seul(e). Oui c’est dispendieux mais tu prends le plus petit appartement, c’est ce que ma mère a fait au décès de mon père et elle y est très heureuse. Elle veut être seule, elle reste dans son appartement. Elle veut socialiser, elle n’a qu’à descendre pour différentes activités, bibliothèque, café tous les après-midi pour tous. Elle ne s’ennuie jamais; elle n’insiste jamais pour que je la visite, elle a tout ce qui lui faut sur place incluant des compagnes. Elle est semi-autonome. Mon texte est long, j’en ai à dire sur la vieillesse.

    • Liette Picotin

      Merci de ton partage… c’est exactement ce que je recherchais en créant mon blogue… créer une communauté où on pourrait partager nos expériences respectives et discuter sur des sujets qui nous touchent, particulièrement en vieillissant.

  6. Suzanne Lepage

    Félicitations pour la publication intitulé « la solitude » et c’est toujours intéressant de lire les différents propos.

  7. Suzanne Charbonneau

    Quand j’entends dire dans les médias que les soins à domicile sont la solution à tous les problèmes des personnes âgées, je ressens beaucoup de colère. Nous savons tous que cela n’arrivera pas! Ces beaux discours nous font dévier d’une solution sérieuse.
    Oui, améliorons les services actuels, mais jamais, jamais ce ne sera suffisant pour répondre aux besoins des personnes qui vieillissent dans la province.

    Je suis d’accord avec toi Liette. Qui veut aller vivre avec ses enfants? Ou qui veut voir un de ses enfants se sacrifier pour nous en devenant notre aidant surnaturel? Encore du blabla de bien-pensants pour culpabiliser les familles.

    Avant d’arriver dans un CHSLD, parce que trop malades, les personnes âgées et autonomes peuvent se retrouver là où sont les services, les activités, un petit dépanneur et plein de gens autour d’eux. Le problème, le coût exorbitant de ces centres. Une grande partie de la population ne peut pas se payer ce genre de logis. Selon moi, la vraie question est celle-ci: comment donner accès à ce genre de logement aux personnes qui le désirent et qui ne peuvent pas se le payer?
    Bonne soirée.

    • Liette Picotin

      Tout à fait d’accord avec toi. Merci du partage et de bien exposer ton point de vue. Il est temps qu’on fasse les vrais démarches pour aider la population vieillissante.

  8. Madeleine Dore Lacharité

    Moi je me pose bien des questions. Nos aînés ont grand besoin d’être entourées de personnes aimantes et bienveillantes. Le fait d’habiter dans une RPA comble-t-il ce besoin ? On peut être entouré de plein de gens et vivre une grande solitude. Je serais curieuse de connaître les raisons qui ont amené des aînés à tout vendre pour s’en aller vivre dans les RPA. Sont-ils toujours satisfaits de leur choix? Par contre demeurer chez soi pose question. Comme tu l’as mentionné les besoins des personnes vieillissantes sont grands et le
    soutien de l’extérieur loin d’être suffisant.
    Pour moi, ton texte soulève bien des questions. Vivant en couple je ne peux prendre des décisions qui vont à l’encontre de ce que veut mon conjoint.

    • Liette Picotin

      La principale raison qui pousse les aînés à tout vendre, c’est généralement parce qu’ils ne sont plus capables de s’occuper de leur maison, financièrement, moralement et physiquement. Ce fut mon cas par ailleurs. Je ne suis pas en RPA, parfois le simple passage à un logement indépendant est une première étape dans le changement de la vie. C’est vrai que ce ne doit pas être facile, mais chaque étape de la vie est un changement pour lequel il faut s’adapter… comme je l’écrivais, l’enfant qui quitte la maison par exemple. Mais aussi, l’amour rencontré et fonder une famille, une responsabilité pas toujours facile. Avoir un emploi stable, les enfants qui quittent le nid, être grand-parents, la retraite… tu vois le cheminement de la vie, c’est ça selon moi. À un certain âge, c’est un RPA la solution (avec l’appui des enfants autant que possible) et ultimement, peut-être un CHSLD pour les soins. Reste qu’il faudra qu’on amène ça à un coût possible pour tout le monde, ce qui est loin d’être fait. Effectivement, bien des questions et pas toujours de réponses. Je te souhaite de trouver les tiennes, je sais que tu fais ton chemin de belle façon.

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