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La nostalgie du mois de novembre…

Texte de Jocelyne Chevalier

Le mois de novembre a toujours été un mois tristounet, fertile aux dépressions. Pourtant, ce mois de mon anniversaire n’a jamais eu grande emprise sur ma personne. J’ai toujours fêté mon anniversaire avec insouciance. Mais voilà qu’arrivée à l’automne de ma vie, dame mélancolie vint à ma rencontre et me fit prendre conscience de la réalité. La constatation de multiples détails me confirme que je vieillis de corps et d’esprit. Détresse ou enchantement, un peu des deux en même temps.

La détresse, je l’associerais surtout à mon corps. Lorsque Jean Coutu est maintenant devenu votre meilleur ami on peut dire qu’il est temps de se regarder en face.

Commençons d’abord par le réveil du matin. Comment les plis de draps peuvent-ils s’imprégner aussi profondément dans mon visage et y demeurer une bonne partie de la journée. Je ne pourrais me présenter au bureau c’est certain, ou alors je devrais adopter la religion musulmane et le port de la burka.

Puis, au sortir du lit, il me faut déplier certaines parties de mon corps, doucement, de peur de déchirer ce qu’il me reste de peau en bon état. Il y a de ces jours, lorsque je dépose les pieds par terre, où mes genoux couronnés d’arthrose, peinent à supporter le poids accumulé par ma gourmandise, et m’obligent à effectuer une danse de style ¨nouvel âge¨ pour me rendre jusqu’aux toilettes afin d’éviter une averse de trop plein, trop vite. 

Que dire au moment de la douche, alors qu’il me faut pour les laver, relever un à un ces bijoux d’autrefois tant admirés et si haut perchés, tristement attirés par le plancher. Sans oublier de retrousser ce nouveau petit tablier qui m’empêche de voir l’oasis tant convoité par l’être aimé et dont je dois m’occuper. Je n’ose vous décrire les moments où le savon me glisse d’entre les mains et la gymnastique rythmée mais prudente, pour le récupérer. Et les ongles d’orteils que je dois astiquer avec des arrêts de plus en plus marqués, parce que le souffle coupé.

Il y a aussi cette coiffeuse au grand miroir éclairé me reflétant l’inévitable nouvelle version de moi-même et me confirme le temps qu’il faudra consacrer à l’entretien et la réparation. Un miroir, ça ne ment jamais. Tout fout le camp. Mes cheveux, mes cils, mes gencives qui rétrécissent permettant ainsi à mon dentier de faire quelques sorties inappropriées.

Est-ce ma vue qui m’abandonne ou sont-ce les coins de tables et autres objets qui m’attaquent en me laissant des bleus un peu partout ? Quant à mon ouïe, les sons extérieurs sont encore très audibles mais curieusement, la voix de mon conjoint se fait de plus en plus chétive, causant ainsi des malentendus ou au contraire nous évitant des conversations superflues. Et enfin, que dire de ma mémoire. En fait, rien, je ne m’en souviens plus.

Oui tout fout le camp, mais pire encore. S’ajoutent maintenant de nouveaux éléments. Mes lobes d’oreilles qui allongent. Les poils de mes aisselles ont déménagé de village, décidément bien établis dans la vallée du menton. Les ridules deviennent des cratères, les taches brunes se répandent comme des mouches sur mes mains. Les petites rigoles qui se font un chemin au-dessus de mes lèvres laissant mon rouge aux lèvres heureux d’avoir enfin trouvé la faille pour s’enfuir.

S’habiller ? Une hantise. Comment dénicher le vêtement qui avantagera ma silhouette maintenant vallonné de petits monticules comme une course à obstacle. J’ai remarqué que les miroirs dans les magasins étaient maintenant grossissants. Non mais, ils font vraiment tout pour nous humilier.

Dîtes-moi maintenant, comment faire face à cette fatalité, alors qu’à peine levée du lit on ne peut ignorer la tombée du jour d’un corps qui jadis, jouissait de plusieurs atouts manifestes.

Heureusement, il y a l’enchantement. Avec l’âge, débarque une multitude de bienfaits. La liberté retrouvée. Le temps. Le temps de ne rien faire, de contempler, de profiter, de constater, comprendre et parfois réparer. Cette plénitude et cette sagesse qui vous assaillent n’a d’égal que l’amour et le respect que vos amis, votre conjoint, familles, enfants et petits-enfants vous témoignent. Toute cette reconnaissance que l’on perçoit dans leurs yeux en même temps que la peur de vous perdre trop tôt, prend le dessus sur ce corps à la dérive. Car la beauté du corps n’est rien, comparable à celle de l’esprit. Le bonheur vient du dedans et non du dehors. Mais, pour le comprendre, il faut prendre de l’âge et passer au travers de toute cette détresse qui vous mènera vers l’enchantement le plus pur.

Non, il n’est pas facile d’accepter de vieillir mais je puis vous dire que chaque jour davantage, j’apprécie mon âge. Mon seul regret est de ne pas partager ce moment de réflexion avec mes parents pour leur dire combien je les comprends maintenant.

2 commentaires

  1. Lucille Dagenais

    Cré Jocelyne! Tellement habile pour jouer avec les mots! Une merveilleuse conteuse qui sait tellement nous émouvoir et aussi nous faire rire.
    Chapeau Jocelyne , tu restes toujours belle que ce soit de l’extérieur ou du dedans.
    Tu as mis du soleil dans cette journée pluvieuse.
    Mille bisous
    Lucille 🫶

  2. Marcel Turcot

    Vraiment … tu me manques très chère Jocelyne … continue ton beau chemin. Bye

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