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La Féministe… à deux vitesses!

Dans les années 70, alors que j’étais adolescente, on revendiquait avec fracas, la liberté pour les femmes. J’étais l’une de celles qui se battaient corps et âme pour cela. J’étais de mon temps. Et honnêtement, il fallait cette bataille pour démontrer qu’on était l’égale de l’homme en ce temps-là.

Mais j’avais déjà deux discours, je voulais mon indépendance et mon autonomie, et je recherchais le prince charmant en même temps. Une dichotomie bien évidente dans ma philosophie de vie.

J’ai finalement rencontré deux princes charmants dans ma vie. Le premier m’a aussi apporté la joie de la maternité et la responsabilité qui viens avec. J’ai toujours eu un sens du devoir assez fort, alors j’ai cheminé en ce sens, surtout auprès de mes enfants. Pour le deuxième prince, son appui au quotidien fut très apaisant et je me suis laissé voguer là-dessus sans amertume, d’autant plus qu’il a consolidé ce que je voulais donner aux enfants (sans la violence du premier prince).

Je ne peux pas m’attribuer totalement le mérite de m’être bâtie une vie professionnelle, à la hauteur de mon besoin d’autonomie. Le besoin de survivre et surtout de donner une sécurité à mes enfants, ayant été l’essence de ma démarche.

En cela, je ne diffère pas beaucoup des femmes de ma génération, je crois. Nous étions entre deux chaises. Nous voulions démontrer que nous étions aussi fortes que les hommes, tout en conservant intact notre rôle de mère et de femme. Au final, nous avons formé la génération des « Wonder Woman » et notre prison dorée n’en a été que plus contraignante.

Je vois aussi comme les femmes des générations qui nous suivent ont dû continuer à se battre. Même si elles n’ont pas vécu les mêmes défis que la nôtre, cette génération semble se débattre encore dans un monde d’hommes, prises entre les valeurs féministes qu’on a tenté de leur transmettre et l’envie de vivre une vie de princesse au côté de leur prince charmant, elles-aussi.

Je l’avoue, par moment, j’ai apprécié me laisser gâter, laissé l’autre s’occuper de tout et enfin prendre un peu de temps libres. Je n’ai jamais osé le dire trop fort, car ça ternissait l’image de féministe que je voulais être. C’était tellement plus simple de ne pas prendre de décision, de glorifier l’autre dans ce qu’il faisait pour moi.

Et en cela, je crois que ce n’était pas si mal vu. Après tout, l’égalité doit passer par le partage des tâches. Bien sûr, on l’avouera aisément, dans la plupart des couples, la charge mentale demeurant à la femme. Ce qui nous ramène à la fameuse « Wonder Woman ».

La vie a donc été des montagnes russes pour ce qui était de mon côté féministe. Parfois, je fus obligée de me prendre complètement en main, et à d’autres j’ai laissé l’autre s’occuper de certaines tâches, ce qui me donnait un peu de répit. Je sais, c’était un peu décevant, une sorte de paresse féminine.

Naïvement, on croit qu’on est incapable de tout faire… Et voilà, que je deviens une proche-aidante, donc je dois reprendre du service dans la vie quotidienne. Il restera toujours des tâches qu’il me sera impossible d’accomplir, la force physique n’étant pas toujours là. Il faut donc trouver un réseau autour de soi, pour nous donner un coup de main. Là-dessus, je suis très chanceuse car j’ai des enfants (et leurs conjoints) en or.

Il reste qu’on ne peut pas toujours faire appel à eux. Ils sont dans leur vie professionnelle et familiale très occupés, souvent même débordés. Après tout, le rôle de parent n’est-il pas d’abord d’être présents pour eux.

Donc, je regarde de nouveau en face les travaux à effectuer, et je m’y suis mise. Je me surprends moi-même à accomplir des tâches que je déléguais si facilement il y a peu de temps.

La féministe en moi retrouve donc le chemin de son épanouissement, de son autonomie et de son indépendance, j’en suis fière.

Il ne suffit plus de dire que l’on est une femme en pleine possession de ses facultés, je le prouve à chaque jour. Et ça me crée une satisfaction très plaisante.

C’est le juste retour de la vie, je retrouve les espoirs de mes vingt ans et je me prouve que j’avais raison. Femme ou homme, le partage de nos tâches est un plus dans la vie certes, mais l’un sans l’autre peut aussi survivre.

Il reste le besoin d’affection et de tendresse, c’est normal. L’égalité s’y insère aussi. Tant qu’on ne devient pas un « dépendant affectif », l’histoire peut se terminer en beauté. Il suffit de prendre chaque moment de bonheur qui passe et de le savourer longuement.

Je le souhaite à toutes les femmes, de toutes générations.

5 commentaires

  1. Louise Tremblay

    Bravo chère L.P. Pour ce merveilleux témoignage.
    J’aimerais bien que l’on se trouve un moment pour prendre un café ensemble.

    • Liette Picotin

      Bien sûr, j’aimerais bien moi-aussi.

  2. Marie Claude pilote

    Quel beau message!

  3. Donald Lanthier

    Madame Liette,
    Votre texte est le reflet d’une femme aimante, libre, équilibrée et généreuse. Le féminisme en vous ne cesse de vous épanouir. Vous lire a été un moment de grâce et suis entré dans votre témoignage par la grande porte. Merci et félicitaions madame Picotin, ex-étudiante adulée à l’Université du troisième âge.
    Donald Lanthier

  4. Claudette Simard

    Quel plaisir de te lire belle amie d’écriture. Ton texte réfléchi et déposé me rejoint assurément. Bravo pour ce temps d’introspection. Il témoigne de la belle âme que tu es et de ces passages de vie qui ne devaient rester sous silence. Nul doute que je t’apprecie davantage.

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