La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine…

Êtes-vous comme moi et avez appris par cœur cette fable de Lafontaine, dans votre jeunesse?

On nous la faisait répéter souvent selon mes souvenirs d’enfant. C’était une façon de nous communiquer que le sens de l’économie, du travail ardu devait être une priorité dans notre vie.

Nos parents étaient économes et même si on les accuse aujourd’hui d’avoir pollué notre planète, je pense au contraire qu’avec les économies, venaient aussi la valeur de ne pas gaspiller. Ce qui, selon moi, respectait encore plus l’environnement que nous ne le faisons de nos jours.

On recyclait les vêtements des plus vieux aux plus jeunes, on savait apprêter les restes de tables, les déplacements en automobile étaient restreints au minimum et il n’y avait qu’une seule voiture par famille en général, quand il y en avait une.

Ma mère faisait entre autres un délicieux dessert avec des restes de gâteau qui avaient séchés, trempés dans une sorte de crème (mélange de crème anglaise et/ou de blanc-manger), on se régalait. J’ai tant d’exemples de son sens de l’économie, les sous étaient comptés soigneusement et jamais dépensés inutilement.

Bon, sauf pour la cigarette, car ça fumait beaucoup chez-nous. Ce qui a emporté mon père très jeune. À 64 ans, après avoir fumé toute sa vie, un cancer du poumon, généralisé au moment du diagnostic, l’aura foudroyé en quelques mois.

Mais revenons à notre fable. Ma vie d’adulte s’est passée entre cigale et fourmi. Je pense avoir été surtout fourmi, mais un peu cigale par moment. Mon conjoint des 34 dernières années fut plutôt cigale que fourmi.

J’aurais aimé avoir la légèreté de la cigale, peut-être est-ce pour ça que j’aime tant chanter comme elle. Mais la vie m’a amené sur des terrains où la légèreté n’eut pas trop sa place.

Maman à 22 ans, par choix et par amour, j’ai vite compris le sens des responsabilités. Mon rôle de fourmi a dû prendre plus d’espace dans ma vie à ce moment. Pour suivre les hauts et les bas d’un conjoint aux problèmes de santé mentale (aujourd’hui je comprends mieux sa personnalité mais dans le temps, ce n’était pas clair), il m’a fallu m’accrocher et adapter toute ma vie pour que mes enfants ne manquent de rien. C’est probablement là que j’ai développé mon côté proche-aidante. Quand mon conjoint vivait des moments de dépression, je l’appuyais et cherchait à garder un semblant de vie familiale avec mes enfants.

J’ai finalement pu me séparer de cet homme qui ne m’apportait que misère et tristesse.

J’ai pu donner une enfance plus normale à mes enfants, surtout après la rencontre de mon conjoint actuel. Sa légèreté devant la vie m’a fait le plus grand bien et m’a redonné le plaisir de vivre.

Les enfants ont pu profiter de notre nouvelle vie de famille. Je pense qu’ils ont connu de beaux moments de joie.

Et par le fait même, ça me rendait heureuse.

Mais le sens des responsabilités n’était pas très loin pour moi, il me gardait les yeux grands ouverts devant les nécessités de la vie.

Mon côté fourmi était là, bien vivant. Le côté cigale de mon conjoint me faisait du bien, mais avec le temps il est un peu devenu un handicap, m’obligeant à mettre plus d’emphases sur mon côté fourmi, il me fallait bien compenser.

Le temps a fait le reste… ma carrière professionnelle s’est poursuivie dans le domaine financier, et mon titre de planificateur financier m’a bien fait évoluer dans le même sens que mon côté fourmi. De sages conseils prodigués à mes clients m’ont aussi fait réfléchir personnellement.

Bien sûr, pendant longtemps, les économies n’étaient pas au rendez-vous, tout ce que je pouvais trouver d’épargnes servait d’abord à répondre aux besoins de mes enfants, incluant une vie stable et calme. Du mieux que j’ai pu, en tout cas.

Mais quand les enfants ont commencé à voler de leurs propres ailes, j’ai fait évoluer mon portefeuille d’économie. Je n’ai pas pu en faire autant qu’il aurait fallu, mais j’ai réussi à amasser un petit pécule, cela ajouté à la valeur de la maison qui s’est accrue au fil du temps.

Si les économies n’ont pas suivi l’évolution de notre société, on a alors beaucoup de regrets. Notre système de santé est malade, il ne peut pourvoir aux besoins des patients. Et patients, on doit l’être pour recevoir de l’aide. Il y a de la bonne volonté certes et des gens dévoués pour aider, mais grosso modo, on est laissé seul tant le manque est criant.

Mon côté fourmi nous permet d’être dans ce qu’on appellerait la « classe moyenne », moi j’ajoute la « classe moyenne pauvre ». Et rien n’est prévu pour aider notre classe financière! Pour avoir de l’aide aujourd’hui, il faut être soit très pauvre ou très riche (donc payer pour ses services).

Ce n’est pas le cas de notre couple, alors nous sommes pénalisés. Où qu’on se tourne, il y a peu d’aide, la gratuité demande beaucoup d’attente, souvent il sera trop tard. Et pour ce qui est payant, on est dans les extrêmes de coûts.

À l’aube de cette fête de Noël, les bas de Noël sont encore bien remplis, à la mesure de nos moyens financiers bien sûr. Et je réalise comme ma vie de fourmi me rend parfois amère. J’aimerais bien retrouver la légèreté de la cigale.

Et vous, durant votre vie avez-vous été fourmi ou cigale?