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Elle me manque…

Lorsqu’on a 17 ans, on a toute la vie devant nous… Pourtant, lorsque j’eus 17 ans, j’ai perdu mon enfance en même temps!

Mon enfance s’est passée dans la douceur et la joie de vivre. Je viens d’une famille de 4 enfants, deux frères et une sœur plus jeunes, des parents qui représentaient bien leur époque, une maman qui restait à la maison pour s’occuper de la marmaille et de la maison… Mon père, bon travailleur de la construction, partant très tôt chaque matin, avec sa boîte à lunch de métal.   

Lorsque j’eus environ 3 ans, mes parents ont emménagés au 2e étage d’un duplex récemment rénové par mon oncle.  Ce même oncle qui offrait en même temps qu’un logis, un métier à mon père.

Et comble de bonheur, ce sont mon oncle et ma tante qui habitaient le rez-de-chaussée.

C’est à cet âge, que ma cousine Gislaine a commencé à prendre beaucoup de place dans ma vie. Nous étions inséparables. Nous avions le même âge, elle était née en juin et moi en mai.  Mais c’était elle qui me menait par le bout du nez, j’étais son acolyte, son bras droit et je buvais toutes ses paroles et tous ses gestes. Je l’adorais.  

Ma cousine était une enfant d’un naturel attachant, alors que la timidité me rendait plutôt effacée. La chaleur humaine qu’elle dégageait autour d’elle, faisait que tout le monde s’attachait à elle.

Nos parents aimaient beaucoup s’amuser, mon oncle en particulier. Des soirées de chansons et de danses s’organisaient souvent dans le sous-sol de la maison. Pendant que les adultes festoyaient allègrement, ma cousine et moi trouvions notre petit coin à nous et profitions de l’événement. C’est avec elle que j’ai fait mes premiers pas de danse, le « swing » et le « rock’n roll » nous endiablaient le corps. Je n’ai jamais retrouvé de partenaire de danse avec qui j’étais autant en symbiose.

Nos deux familles étaient très proches, ma mère et ma tante, sa belle-sœur, partageaient souvent leur quotidien. C’est ensemble, avec les enfants, qu’elles partaient magasiner. Ensemble, elles pouvaient aussi parler « popotes ». Disons que c’est ce dont je me souviens le plus.

Car pour moi, le quotidien, c’était de retrouver ma cousine et de s’inventer des jeux. C’est à l’extérieur que nous jouions le plus, et lorsque la température était déficiente, le garage attenant à la maison nous abritait confortablement. Nous aurions pu aller chez l’une ou chez l’autre, j’imagine que ça s’est passé ainsi de temps à autres, mais je sais que j’étais intimidée chez-elle.  

Lorsque nous avons commencé l’école, c’est ensemble que nous avons quitté la maison, main dans la main et habillées à peu près de la même façon. Je crois que l’école avait compris que nous étions très proches car on ne nous a jamais placées dans les mêmes groupes. Qu’à cela ne tienne, chaque soir, la première à entrer dans l’autobus réservait le siège à ses côtés pour l’autre.

J’ai été une élève modèle, « une première de classe », comme on disait dans ce temps-là. Ma mère m’avait bien préparée et prenait bien soin que je réussisse. Je dis cela en toute sincérité, sans amertumes, car je n’ai jamais senti de pression, seulement de l’encouragement.

Ce n’est donc pas parce que j’étais une petite fille naïve et insouciante que je me laissais dominer par ma cousine, mais réellement parce que je l’adorais et lui faisais toute confiance.

Mes parents ont acheté le duplex quelques années plus tard et nous avons déménagés au rez-de-chaussée. Mais ma cousine n’était pas bien loin, ses parents ayant déménagés dans une rue voisine.

Les années ont passé, nous sommes arrivées doucement à l’adolescence. L’été précédent notre entrée au secondaire, vers l’âge de 12 ans environ, nous avons fait nos premières expériences amoureuses. Oh, c’était plutôt naïf, rien de bien sérieux, de petits baisers échangés dans un parc pour enfant près de chez-elle.  Gislaine démontrait pourtant un intérêt plus élevé que moi pour une relation stable. De mon côté, je batifolais d’un garçon à l’autre.  Bon, n’exagérons rien, ils furent deux en fait à jouer les amoureux à tour de rôle, auprès de moi.

Gislaine avait maintenant une petite sœur (belle comme un cœur), et lorsque ses parents quittaient pour une soirée, elle faisait du gardiennage. Avec plaisir, je la rejoignais pour qu’on se fasse une soirée télévision, j’adorais ça, c’était si tranquille chez-elle, et nous étions toujours bien approvisionnés en aliment d’accompagnement!

Nous aimions toujours faire de la musique ensemble, mais elle avait beaucoup plus progressé que moi. Elle me gardait quand-même une place auprès d’elle. Nous avions notre chanson. Encore aujourd’hui, je la fredonne en repensant à elle. Je faisais la voix  basse, elle faisait la voix haute bien sûr. Mais l’harmonie était parfaite. C’était la chanson « Partons tous les deux », chanté par Dominique Michel et Denise Filiatrault à cette époque.

Nous nous sommes souvent amusés à faire des chorégraphies de danse aussi. Je faisais toujours le garçon car j’étais grande et élancée à ce moment-là et je portais souvent les cheveux courts.  Tout était inventé, nous n’avions même pas de formation de danse, mais nous rêvions d’être danseuse. Pouvez-vous croire que nous nous sommes même aventurées à présenter nos chorégraphies à nos professeurs et collègues étudiantes.

Un jour, alors que j’étais en visite chez-elle et que nous gardions sa petite sœur, je me suis amusée à imiter le chanteur « Tony Roman » lorsqu’il chantait « Do Wa Diddy ». Je traversais la pièce d’un sens à l’autre en me déhanchant, mal m’en pris, car je me suis tordue une cheville et je n’ai pu m’appuyer sur mon pied pendant une semaine!

L’idole de ma cousine était « Bruce » des Sultans, un groupe de musique très populaire. Elle pouvait l’imiter si bien, que des grandes du secondaire venaient parfois la chercher sur l’heure du lunch pour qu’elle fasse son imitation. Un jour, on a appris que le groupe viendrait chanter dans une discothèque située tout près de chez-moi, mais pour notre plus grand malheur, nous étions alors trop jeunes pour avoir le droit d’y entrer. Nous avons donc eu l’idée de nous promener devant l’édifice en attendant leur arrivée, mais surtout celle de Bruce. Pour ne pas éveiller les soupçons, nous nous sommes déguisées en couple, je faisais le garçon et elle la fille et nous nous sommes promenées bras-dessus, bras-dessous. Nous fûrent bien récompensées car nous avons pu apercevoir notre idole!

Puis ce fut l’entrée au secondaire. Ma cousine et moi furent alors séparées. Elle partait pour un collège privé, ce que mes parents ne pouvaient m’offrir. Je suis entrée à la Polyvalente André-Laurendeau, une école publique!

Nos fréquentations se sont un peu distancées, je la voyais moins souvent. Nos rencontres étaient toujours empreintes des amitiés de jeunesse, mais nos chemins étaient bien différents.

Moi, je vivais assez mal mes premières années d’école secondaire, je n’étais plus la première de classe et surtout je n’avais plus ma meilleure amie auprès de moi. J’en ai fait de la peine à mes parents durant cette période, avant de réussir à me trouver une place dans ce nouveau monde.

Pendant ce temps, ma cousine continuait à progresser dans la musique, en plus d’avoir une voix sublime, elle jouait du piano admirablement bien. Ses parents en étaient très fiers. Je me demande aujourd’hui si elle n’aurait pas pu faire une carrière musicale!

L’amour est arrivé beaucoup plus sérieusement dans sa vie. De loin, j’ai compris que bien des choses avaient changé. Je la voyais peu, elle vivait dans un autre univers que le mien.

À l’été de nos 17 ans, elle m’a contacté car elle voulait organiser une fête pour sa mère, qui fêtait son anniversaire en juillet. J’étais flattée qu’elle ait pensé à moi et j’ai accepté avec plaisir.

Pendant toute une semaine, nous ne nous sommes pas quittées. Elle venait coucher chez-moi un soir, j’allais coucher chez-elle le lendemain. C’est à ce moment-là que je l’ai vu aussi souffrir, elle avait des maux de tête qui la hantait depuis un moment, et c’est surtout le soir que ça semblait l’accabler. J’ai été témoin avec tristesse de ces épisodes sans pouvoir l’aider de quelque manière.

Elle me parlait de son amoureux, de leur projet d’un voyage dans sa famille en Abitibi…

Elle attendait ses résultats scolaires de fin d’année, elle planifiait déjà faire un cours en secrétariat. Alors que moi, je ne savais même pas encore ce que je ferais de ma vie.

La fête de sa maman s’est passée dans la joie, comme elle le voulait. Et le quotidien de nos vies a repris le dessus. Je commençais alors un emploi d’été, comme monitrice dans les terrains de jeux et elle, elle partait en voyage avec son copain.

Le vendredi de son départ, elle est passée à la maison pour me dire « au revoir », je n’y étais pas, j’avais dû assister à une réunion pour le boulot qui débutait le lundi suivant…  c’était le 7 juillet. Et je ne me doutais pas que je ne la reverrais plus.

Elle partit faire son voyage et à son retour de voyage, le 15 juillet 1972, une collision frontale avec une autre voiture, a mis fin à sa vie et à celle de son amoureux.

Ma cousine a été ma meilleure amie, j’aurais aimé partager ma vie d’adulte avec elle. J’aimerais aujourd’hui pouvoir faire un souper de filles avec elle où on pourrait se raconter toutes nos histoires de femme, de mère et même de grand-mère!

Quand elle m’a quittée, elle a emmené mon enfance avec elle. Elle y était omniprésente. Plus jamais ma vie n’a été la même par la suite. À 17 ans, je n’ai pas compris pourquoi c’était elle qui était partie, sa joie de vivre contagieuse, sa sociabilité à toute épreuve, toutes des qualités qui me manquaient tellement, pourquoi elle, pourquoi pas moi, me suis-je dit!

Ma consolation c’est que la vie nous a réunies une dernière fois avant son départ, il y avait un signe indéniable que notre amitié était éternelle!

Aujourd’hui, je n’ai toujours pas trouvé de réponse, ça fait maintenant 50 ans qu’elle m’a quitté et je la cherche encore dans mon quotidien.

Je regarde mes enfants, mes petites-filles et je me dis qu’elle est sûrement un peu en eux… Sa sœur est maintenant grand-maman, alors je vois bien qu’elle n’est pas complètement partie… je la vois dans ses neveux et petits-neveux.

Mais elle me manque toujours…

4 commentaires

  1. Anonyme

    Il y a des gens avec qui une connexion s établie et dure même après leur décès. Moi c était mon ex belle sœur devenue mon amie. Elle reste toujours dans mes pensées et me manque beaucoup. Je te comprends.

  2. Ginette Harvey

    Oui elle était proche de nous aussi en soirées de danse. Et-ce bien Gislaine Daneau dont du parle. Moi et ma soeur Christiane l’avons connu. 50 ans passé.

    • Liette Picotin

      Oui, c’est bien d’elle que je parle. J’imagine que c’était aux mêmes soirées de danse qu’on s’est connu nous-aussi.

  3. Madeleine Dore

    Comme il est difficile de laisser partir les personnes que l’on aime.
    Ce besoin de regarder en arrière, de se rappeler les beaux moments vécus en leur compagnie est présent très longtemps.
    La mort aura toujours un goût amer.
    Mais le fait que tu aies eu la chance de la revoir avant son accident t’aide à apaiser ta peine.

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