Je suis de la génération où la religion « judéo-chrétienne » a été très influente. Je n’ai aucun reproche à faire à ma foi chrétienne, enseignée d’abord par mes parents qui étaient des gens pieux mais sans excès. J’ai été choyé de vivre dans ce contexte. On m’imposait certes les pratiques religieuses, mais je ne l’ai jamais senti comme un fardeau.

Dernièrement, quelqu’un me faisait remarquer que je me désignais coupable régulièrement lorsque je partageais l’écriture de mon autobiographie.

Ça m’a fait réfléchir. Je comprenais le propos de cette personne et pour tout vous dire, en relisant mon texte, j’étais même d’accord.

Je sais que j’ai aussi tendance à m’excuser et à essayer de m’expliquer auprès des miens, très régulièrement. Il est facile de nos jours, d’exprimer nos pensées via courriel ou sur les réseaux sociaux pour essayer de se disculper de ce que l’on peut (ou croit) avoir fait de de mal.

La question est de savoir pourquoi j’ai cette tendance. Ma première pensée fut l’éducation religieuse que j’ai reçue. Cette fois, il fallait bien l’admettre, ça n’avait pas eu que du bon semble-t-il.

En repensant à divers événements de ma vie, je peux facilement y associer plusieurs de mes comportements.

Dans ma petite enfance, j’ai souvenir d’un épisode où j’ai pris la pénitence à la place d’un membre de ma fratrie. Je me suis accusée alors que je savais très bien ne pas avoir commis la bévue en question. Je me suis retrouvée, à genoux, sans raison valable. Mais ma compassion n’a pas duré très longtemps et j’ai fini par avouer à ma mère que je n’étais pas la coupable. Pauvre maman, elle ne devait pas trop comprendre pourquoi je faisais ça. Moi non plus d’ailleurs, du masochisme à un si jeune âge, c’est quand-même un peu fort!

Durant mes années à l’école primaire, j’ai développé une passion pour la lecture. Mes principales lectures avaient souvent comme sujet la vie de saints, comme Ste-Thérèse-de-Lisieux, Bernadette Soubirous ou encore les enfants de Fatima (Lucie, Francisco et Jacintha). Je m’émerveillais des sacrifices qu’ils faisaient et ai même tenté de les copier, sans grand succès, je manquais d’abnégation (inséré un petit rire sarcastique ici).

Ces lectures exerçaient une telle influence sur moi, que j’ai même songé à devenir religieuse. Ce fut un autre projet qui n’était pas très réaliste, connaissant ma personnalité un peu trop extravertie. Mais j’ai quand-même effectué une démarche pour entrer chez les Sœurs Grises. Un rendez-vous manqué m’en aura bifurquer rapidement d’une profession qui n’aurait pu être mienne. Ce qui n’enlève pas l’admiration que j’ai pour ces femmes.

L’autre lecture qui a eu une influence importante dans ma vie, ce fut la série de livres « Brigitte ». Une jeune femme française, vivant en banlieue de Paris à mon souvenir, et qui devenait une maman dévouée à ses enfants. Comment ne pas se sentir coupable dans mon rôle de mère (plus tard), alors que j’admirais tant ce modèle et que je n’arrivais pas à lui ressembler.

L’enfance qui avançait m’a vu me mettre de l’avant dans diverses situations où je n’avais pas besoin d’être. Si certains se défilent facilement, moi j’avais tendance à me mettre un peu trop de l’avant. Alors des moments de détresse, j’en ai vécu plusieurs. Avec des mauvais choix de vie, surtout à l’adolescence et au début de ma vie d’adulte.

Prise entre deux époques, où le féminisme m’interpellait, je me suis sentie coupable plus souvent qu’à mon tour. Soit je ne représentais pas la génération qui suivait ses femmes soumises, soit je ne représentais pas la génération des femmes qui se libéraient. Je n’étais jamais au bon endroit.

J’ai continué dans la série de mauvais choix et je me suis mise en couple avec un homme, pourtant de mon âge, mais avec des valeurs d’une autre époque. Lui-aussi je crois, il se sentait pris entre deux époques, par moment il attendait de moi que je sois soumise et à d’autres il attendait de l’aide dans ses responsabilités de maître de maison. Ce chevauchement entre deux générations a suscité beaucoup de disputes entre-nous et finalement abouti à une séparation, sans surprise.

Prenant ma vie en main pour donner une vie sécuritaire, surtout financièrement, à mes enfants, je me suis retrouvée dans un engrenage de responsabilités, partagées entre ma vie de mère et ma vie de professionnelle. Encore de la culpabilité pour mon quotidien, il va sans dire. Je n’étais jamais à ma place nulle part finalement.

Le temps a passé, les enfants ont vieilli malgré les lacunes dont je m’accusais, injustement je l’avoue humblement. Ce fut alors mon rôle de grand-mère qui m’a apporté d’autres épisodes de culpabilité. Trop jeune ou trop vieille, incapable d’offrir ce que, selon moi, une grand-mère devrait offrir à ses enfants et petits-enfants.

Aujourd’hui, c’est mon rôle de proche-aidante qui m’apporte des épisodes de culpabilité. Comment arriver à conjuguer ma vie de jeune retraitée avec la maladie et le vieillissement qui s’installe dans nos vies. Ma patience manque de flexibilité, mes sautes d’humeur auprès de mon aidé, me rende aussi coupable.

Je n’arriverai donc jamais à être parfaite… Ah, mais que dis-je? Être parfaite, est-ce vraiment un objectif à atteindre ou n’est-ce pas qu’un vœu pieu?

C’est certain que toute mon éducation religieuse m’a appris à être humble, à croire en la justice et l’équité. Aujourd’hui, je me dis que c’était un peu à outrance toutes ces bonnes valeurs. Je réalise qu’au fond, je suis un être imparfait certes, mais pleine de bonnes volonté.

Si j’ai fait du mal à mes enfants, je m’en excuse auprès d’eux, mais je pense que mes bonnes intentions ont largement dépassées ces moments d’erreur. Et puis, chacun est responsable de sa vie avec le bagage qu’il a reçu. Je n’ai pas de contrôle sur le reste de leur vie.

Il me faut travailler cette manie de me déclarer coupable au moindre souvenir imparfait. J’ai fait de mon mieux et je peux en être fière.

Merci à mon amie (je suis si bien entourée) de m’avoir ouvert les yeux sur moi-même.

Et vous, êtes-vous porté à vous sentir coupable, à vous accuser un peu trop? Je suis de mon époque, je crois que bien d’autres ont dû travailler là-dessus (ou y travaillent encore).