
Maman nous a quitté. Je ne verrai plus son doux sourire. Je n’entendrai plus ses offres à manger quelque chose. Malgré mon diabète, elle continuait à m’offrir des desserts. C’était ma maman. Impossible de la faire assoir quand elle nous recevait.
Nous avions été éduqués, nous ses enfants, à la vouvoyer. Une mode qui passera à l’histoire. D’où tenait-elle cette idée que nous la vouvoyons, sûrement en partie dû à sa propre éducation. Un père sévère et intransigeant, qu’elle a tout de même respecté toute sa vie. Elle était réservée quand il s’agissait de parler de lui. Malgré tous les mauvais souvenirs qu’elle devait conserver, elle ne le dénigrait pas. Elle avait beaucoup de mérite car, selon les bribes d’histoires qu’elle nous a partagés, son père n’était pas très chaleureux avec ses enfants. Elle le respectait sûrement parce qu’il avait eu le courage de s’occuper de ses enfants malgré le départ prématuré de leur maman.
Elle a été un modèle pour moi. J’avais tant de chances quand je me comparais à elle et à bien d’autres de son époque en particulier.
Dans ses valeurs donc, le vouvoiement était une priorité. Bien sûr, on vouvoyait nos enseignants, les directeurs d’école, notre grand-père (j’ai peu connu les autres), nos oncles, nos tantes. Et comme mon père était très jeune dans sa famille, il avait des neveux et nièces très proches de l’âge de mes parents. Donc, on a même vouvoyé plusieurs de nos cousins et cousines. Plus tard, on a dû travailler fort pour revenir au tutoiement plus convivial entre cousins.
Est-ce que ça nous éloignait ce vouvoiement? Je n’en ai jamais eu l’impression. Ça créait un respect envers eux. Mais bon, quelqu’un m’a déjà dit qu’on pouvait envoyer promener quelqu’un en le vouvoyant. Malgré tout, je crois que ça créait comme une sorte d’intouchabilité devant celui qu’on appelait « vous ».
Le plus curieux, c’est que nos enfants ont tutoyé leurs grands-parents. Déjà le changement d’époque se faisait sentir. Sans grande surprise, ils vivaient une relation plus amusante avec eux. Que de rires et de jeux se sont-ils partagés.
J’aurai donc vouvoyé ma mère jusqu’à la fin.
À ma dernière visite, elle m’a appelée « son p’tit bébé Liette ». Je n’avais pas souvenir qu’elle m’ait déjà appelé comme ça. Étant l’aînée, je ne suis pas resté bébé longtemps. Était-ce la surprise de me voir enfin? Le plaisir de nous retrouver? J’ose le croire. J’étais émue et surtout touchée. Je savais aussi que ça voulait dire qu’elle me reconnaissait. Elle m’a serrée plusieurs fois dans ses bras. Les câlins, c’était sa grande force.
Je lui avais apporté des retailles d’hostie, elle adorait ça. Elle a vite voulu en avoir un morceau, un gros, qu’elle a dégusté. Parfois, ce sont de petits gestes qui font plaisir. Je lui suis reconnaissante de me l’avoir montré encore une fois. Penser à l’autre, c’est se souvenir de ce qu’il aime. On m’avait dit qu’elle mangeait peu. J’étais contente de la voir manger avec plaisir.
Ma mère était un être de lumière. De l’extérieur, son sourire illuminait les gens. C’est ce même sourire qui nous accueillait quand on la visitait. Elle avait une personnalité joviale. Une personne tellement sociale qu’en voyage, il m’est arrivé de désespérer d’avoir un peu de temps seule ensemble. Elle parlait à tout le monde. Elle voulait aider tout le monde. Je vous le dis un être de lumière.
Elle avait aussi sa part d’ombre. En particulier les dernières années. Je sais qu’elle a enfin ce qu’elle voulait tant avoir. Elle est allée rejoindre ceux qu’elle aimait. Je souhaite sincèrement qu’il y ait un au-delà et qu’elle s’y trouve présentement.
Tout au long de sa vie, nous aurons eu de longues discussions sur le sens de la vie. Un sujet qui revenait souvent dans nos communications.
Le vouvoiement lui apportait sûrement l’illusion d’être bien instruite. Elle aurait aimé s’élever. S’instruire fut un grand manque dans sa vie. Pourtant, ce n’est pas le « vous » qui fait qu’un être humain s’élève. Elle aura eu une grande classe dans sa simplicité.
Alors maintenant qu’elle n’est plus là… j’ai presqu’envie de la tutoyer!
Au revoir maman, j’ai hâte de TE retrouver! En attendant, je te garde dans mon cœur pour toujours.
Wow! C’est beau Liette.
Xox
Toutes mes condoléances, Liette. Elle te laisse au moins de beaux souvenirs.
De très beaux souvenirs en effet! J’ai été chanceuse quelle soit ma maman.