Le parcours de notre vie est empreint de toutes les odeurs qui l’ont parcouru.

Mon nez a toujours été le centre de souvenirs incroyables. Je fus choyée de l’avoir aussi fin.

Il y a la bouffe, celle du poisson que maman faisait cuire au fourneau. Une espèce de brique congelé, qui envoyait son odeur dans tous les recoins et qui m’a longtemps fait détester le poisson. En vieillissant, j’ai appris que le poisson se cuisait sur une courte durée, et qu’il y avait peu d’odeur quand il était frais. Pauvre maman, me voilà la critiquant ici. Pourtant, elle a su nourrir sa famille à peu de frais durant très longtemps. Notre condition financière de la classe moyenne ne permettant pas trop de luxe.    

La bouffe est donc une part importante de nos souvenirs olfactifs. Je garde en mémoire encore l’odeur des gâteaux qui cuisaient, ce doux parfum de vanille et de sucre qui venait chatouiller mes papilles gustatives, moi qui suis une bête à sucre. Les desserts ont toujours été présents sur notre table.

Il y a l’odeur du pain grillé aussi, nos fins de soirée en été, se passaient devant l’écran en noir et blanc de notre télé où les films de comédie musicale étaient fréquents. Assis devant la télé, les rôties au beurre de « peanut » et certaines avec bananes, d’autres avec confitures aux fraises, quel délice! Le tout accompagné d’un bon verre de lait au chocolat, avec du Nestlé Quick bien sûr.

Ce même pain qu’on faisait aussi rôtir sur un rond de poêle en fonte lorsque nous faisions du camping en famille, sur le petit poêle à naphta.

Encore aujourd’hui, l’odeur du pain rôti me fait saliver.

Mon père travaillait dur physiquement ce qui lui donnait sa propre odeur. Comme en plus, il fumait beaucoup, sa présence était bien imprégnée dans notre nez. Il m’arrive encore parfois de sentir son odeur et ça me ravit. Je me demande toujours s’il n’est pas près de moi dans ce temps-là.

Ma mère aussi avait sa propre odeur. Mes souvenirs sont assez clairs là-dessus. Je ne pense pas que c’était un problème d’hygiène. Elle a toujours été très minutieuse sur la propreté. Mais il faut être aussi conscient que les règles d’hygiène étaient bien différentes dans ma jeunesse. On se lavait au lavabo tous les jours, et on ne prenait un bain qu’une fois semaine. De plus, maman ne comprenait pas qu’on mettait une blouse ou un chandail au lavage après ne l’avoir porté qu’une seule fois. Je me souviens d’avoir lavé à la main un haut que je n’avais porté qu’une fois, en cachette. En y repensant, je comprends mieux sa philosophie là-dessus. La vie m’a appris que laver trop souvent un vêtement, par exemple, l’use rapidement. De plus, ce n’est pas très écologique. Maman était précurseur là-dessus.

Puis je suis partie vivre ma vie en-dehors de la maison de mon enfance. Je me suis mariée, j’ai eu des enfants. Un autre parfum qui me ravit encore, c’est celle d’un petit bébé. Comme c’est doux de se mettre le nez dans leur cou et de respirer leur parfum si personnel. C’est un souvenir merveilleux.

Je passe sous silence le parfum des couches que l’on change et celui du vomi quand ils étaient malades. Celui-là, je l’avoue, j’essaie de l’oublier.

Un autre parfum qui vient me chatouiller le nez, c’est celui d’un feu de foyer ou celui d’un feu de camp. Il ne faut pas trop de fumée toutefois, mais sinon quelle odeur remplie de souvenirs heureux. Des soirées romantiques avec mousseux et bonne bouffe, aux soirées autour du feu de camp où l’on chantait gaiement des ritournelles toutes simples.

Pourtant, j’ai aussi en mémoire celle de la destruction d’un immeuble par le feu. Cette fois, cette odeur nous rend triste et malheureux. Celle des feux de forêt me rappelle ces mauvais moments aussi.

Il ne faut pas oublier le parfum de la vieillesse. Si vous avez déjà visité un Centre d’hébergement, vous comprenez qu’il y a là, l’odeur du vieillissement. Alors chez-moi, je retrouve parfois cet odeur si particulière et si difficile pour mon nez aguerri. Ça me frustre d’y être associé, même si j’en comprends l’impossible détachement.

Il y a mon parfum personnel. On m’en a souvent complimenté, utilisant le même produit depuis très longtemps. Pour moi, l’important d’un parfum c’est qu’il soit personnalisé et qu’il ne soit pas trop fort. Même chez un homme, je n’apprécie pas le parfum trop intense. Quand seulement votre parfum laisse une trace de votre présence, votre personnalité en est effacée.

Finalement, les parfums des saisons qui se présentent chaque année sont ceux qui nous rappellent des souvenirs indélébiles. J’associerai toujours le parfum du lilas à ma maman, sa fleur préférée, qui fleurit au printemps. Le parfum des légumes frais, tout droit sortis du jardin de mon père, bien associé à lui. Pour l’été, je l’associe à ma fleur préférée, le muguet!

L’odeur de l’automne, est associé à ma période étudiante à Sherbrooke, où j’ai découvert cette saison.

Pour l’hiver, la saison qui me déplaît un peu, j’avoue en associé la fraîcheur qui nous prend au nez, à des moments de patinage. De beaux souvenirs d’enfance avec mes frères, ma sœur et des amis. Ça me réconcilie un peu avec cette saison.

Toutes les odeurs qui nous accompagnent tout au long de notre vie sont les parfums de la vie. Notre mémoire olfactive est un beau cadeau. On ne souligne pas assez ce sens dont nous avons hérité généreusement.

Et vous, quels sont les parfums qui ont été importants dans votre vie? Lesquels éveillent automatiquement des souvenirs heureux… ou pas?