On prévoit prochainement une grève des employés de la fonction publique. Et sans dénigrer leur travail, que j’admire au plus haut point, je veux souligner que j’en effectue une grande partie par moi-même.

Avec mon rôle de proche-aidante, je suis devenue une employée de la fonction publique.

Je remplace l’infirmière, la préposée, le concierge, le conseiller financier (et j’en passe) pour mon conjoint, ceux qui devraient venir à domicile pour l’aider.

Pourtant, je ne reçois aucune rémunération. Je pense sérieusement à créer un syndicat pour les proche-aidants. Difficile d’être plus mal traité que nous.

La phrase à la mode pour les politiciens et les organisations sociales, est « maintien à domicile ». Quelle belle utopie, sachant qu’il sera impossible de donner un service permettant réellement le bien-être des personnes qui demeureront à domicile. Certains arriveront à se le payer au privé, dépensant toutes leurs économies pour avoir une condition de vie décente. Mais soyons honnêtes, la majorité ne pourra s’offrir ces services indispensables à une condition de vie humaine.

Qui peut être là quand il faut descendre et remonter la chaise roulante d’un aidé, qui a de la difficulté à se déplacer, dans les escaliers? Qui s’occupe de vérifier les dates de rendez-vous, de remplir tous les documents nécessaires pour avoir droit à la moindre aide, financière et physique? Qui ramasse les dégâts que l’aidé a fait par maladresse, mais surtout par faiblesse?

Pour les soins nécessaires à la vie quotidienne, il n’y a personne d’autre que l’aidant qui peut le faire (l’aidé lui-même fait de son mieux, même si c’est souvent au-dessus de ses forces).

Quels soins les services publics nous offrent-ils? Un soin d’hygiène, une fois par semaine. Un moment de répit de quelques heures, alors que l’aidant rêve d’un repos de l’esprit chez-lui. On lui suggère de sortir et d’aller prendre un café ou d’aller magasiner, hou, hou, quelle belle perspective!

Et on nous explique qu’ils font tout pour maintenir dans leur domicile l’aidé. Bien sûr, après tout, quelqu’un effectuera le travail sans qu’ils aient besoin de se déplacer. Et sans être rémunéré en plus? Les infirmières se plaignent de temps supplémentaire obligatoire. L’aidant travaille 24 heures par jour, 7 jours par semaine, sans même une journée de vacances. Parfois, il a la chance d’avoir des proches ou des amis qui viennent offrir un peu de répit en ce sens, mais ce n’est pas dans leur description de tâche à eux non plus.

Je comprends qu’il manque de personnel, c’est l’excuse utilisée à toutes les sauces actuellement. Moi, je pense qu’il y a aussi un problème de gestion.

Le système abuse de nous, et oublie ces personnes vieillissantes qui ont donné leur vie à la société (et payés des impôts pour ces services).

Peut-être qu’en nous créant un syndicat, on pourrait nous accorder un peu de bienveillance. Ah non, c’est vrai, les syndicats sont payés à même les salaires et comme notre travail est non rémunéré, ils ne s’intéressent pas à nous.

On pourrait aussi aller manifester. Ah non, on ne peut pas laisser nos aidés qui ne peuvent rester seuls à leur domicile.

Alors, on demeure la majorité silencieuse. Celle dont on parle à voix basse et qu’on finit par oublier. Il y a tant d’autres sujets plus captivants et intéressants. Avec nous, il n’y a rien de possible.  

Je sais que je ne suis pas la première à vivre cette situation, et même pas la dernière. Il est temps que les aidants (et leurs proches) se lèvent et dénoncent haut et fort ce fait de société si peu publicisé.